N’étant ni invasive, ni longue, ni dramatisante pour le sujet, cette nouvelle méthode expérimentale est proposée pour être essayée et éventuellement adoptée par des institutions cliniques ou des cabinets médicaux car elle est objective, relativement peu coûteuse et peu compliquée à mettre en œuvre. Si la validité de cette voie diagnostique est prouvée, celle-ci peut constituer un progrès significatif dans un domaine pathologique qui demande à être clarifié.
 
Par Jacques Lintermans D.Sc. et André Vander Vorst* Prof.em. UC Louvain
* Membre fondateur de l'European Microwave Association
 
Introduction

Bien qu’il existe une controverse concernant les effets physiologiques des champs électromagnétiques (CEM) sur les êtres humains, des effets attribués aux CEM peuvent handicaper l’existence de certains sujets. Ceux-ci sont appelées électrohypersensibles (EHS) et leur prévalence dans la population aujourd’hui est estimée être de l’ordre de 4 à 10 %. Diagnostiquer les EHS et soumettre ces individus à un traitement approprié est devenu un défi médical d’importance significative. Les symptômes, cependant, sont relativement non spécifiques et sont principalement en rapport avec la fonction mentale ; comme les médecins ne disposent pas d’algorithmes objectifs pour diagnostiquer les EHS, les troubles de ces patients sont la plupart du temps déclarés relevant du domaine psychologique ou même psychiatrique.

C’est pourquoi des tests de diagnostic objectifs sont nécessaires et certains ont fait l’objet d’une tentative de développement : des valeurs anormales de paramètres biochimiques observées chez des individus EHS ont été prises comme biomarqueurs de leur état pathologique et des tests de provocation ont été effectués en contrôlant les réactions de ces individus en conditions d’exposition expérimentale aux CEM.(1) 

Pour investiguer des effets biologiques, on distingue principalement trois gammes de fréquences : les très basses fréquences, de l’ordre de 1 MHz, pour les applications médicales, et d’environ 100 MHz à 30 GHz pour les radiofréquences et les micro-ondes (2).

Les méthodes suivantes font l’objet d’une revue critique.

Au Canada, l’élévation du rythme cardiaque (RC) suite à une exposition expérimentale à des émetteurs de micro-ondes est utilisée [par la toxicologue Magda Havas] comme moyen de diagnostic (3) ; le système nerveux autonome est concerné comme dans l’électrohypersensibilité. Cette méthode donne de bons résultats mais, indépendamment de la provocation, une certaine augmentation de RC peut survenir due à une réaction émotionnelle du sujet, donnant lieu à de possibles conclusions erronées.

En France, des valeurs anormales de toute une gamme de biomarqueurs ont été observées cliniquement [par l'oncologue Dominique Belpomme] chez des sujets se plaignant d’intolérance aux micro-ondes (4). La plupart des biomarqueurs modifiés n’avaient qu’une faible prévalence, à l’exception de l’histamine et de la mélatonine dont on a mesuré une variation significative des taux dans respectivement 40 % et 90 % des cas. Cette méthodologie peut être considérée comme un progrès pour détecter l’électrohypersensibilité car il est improbable qu’une altération répétée de certains bio-marqueurs chez plus d’un millier de patients suspectés d’être EHS se soit produite par hasard.

En Russie, l’électroencéphalogramme a été abondamment utilisée pour examiner les effets des CEM sur le système nerveux central mais aucune donnée spécifique n’est disponible concernant les EHS.

En Suède, une inflammation cutanée est corrélée avec une exposition aux CEM (5) et apporte un argument objectif à la réalité d’une électrohypersensibilité mais ceci ne peut être utilisé comme test diagnostique vu son caractère invasif.

Aux USA, des imageries par résonance magnétique ont été effectués chez des patients montrant des symptômes d’électrohypersensibilité attribués à une longue exposition aux CEM (6). L’anomalie décrite est celle d’une hyperconnectivité observée au niveau neuronal. Cependant, tous les sujets de cette expérimentation avaient une anamnèse incluant un traumatisme crânien ou une exposition à des substances chimiques neurotoxiques pouvant avoir des effets sur la pathologie EHS et ainsi restreindre la portée du test à une sous-population d’EHS.

Dans un laboratoire en Allemagne, une exposition expérimentale à des micro-ondes est effectuée dans une région exempte de CEM. Des modifications de la microcirculation sanguine, du rythme cardiaque et des potentiels électriques de la peau sont enregistrés chez des sujets suspectés d’être EHS (7). Ces tests donnent de bons résultats, objectivement mesurables. L’ensemble de la procédure, s’étendant sur plusieurs jours, est cependant longue et compliquée, rendant son utilisation courante difficile à mettre en œuvre. 
 
Nouvelle méthode de test
  • Le test
Le test est basé sur la réponse galvanique de la peau d’un sujet en conditions d’exposition à des CEM. Le principe consiste à mesurer les variations de courant électrique provoquées par les changements de conductivité de la peau. L’activité électrodermique, également connue comme réponse galvanique de la peau (RGP), mesure l’activité du système nerveux autonome. Notre niveau d’éveil émotionnel change en réponse à l’environnement où nous sommes – si quelque chose est émotionnellement pertinent, un changement consécutif dans la réponse physiologique aux conditions dont nous faisons l’expérience est une augmentation de l’activité des glandes sudoripares eccrines. Dans le cas présent, une altération neurophysiologique telle qu’une sensation de pression dans les yeux ou la tête d’un sujet électrohypersensible en conditions d’exposition à des micro-ondes est associée par ce sujet à une impression de soudaine menace, déclenchant une réaction de stress. Le système RGP donne des résultats mesurables qui sont objectifs, car ne dépendant pas d’une autoévaluation des effets par le sujet, comme c’est le cas dans d’autres tests.
  • Le sujet
La veille du jour du test et sur le chemin vers la clinique où ce test a lieu, le sujet est averti d’éviter, autant qu’il est raisonnablement possible, toute proximité avec des émetteurs de CEM publiques et privés. Durant toute la durée du test, le sujet est assis de manière détendue dans une pièce agréable, exempte d’ondes et au son d’une musique en sourdine, tandis qu’un assistant opérateur cause avec le sujet et capte son attention afin de prévenir son éventuelle inquiétude. La paume d’une main du sujet est équipée avec deux petites fiches contenant des électrodes (figure 1) alors que le bras correspondant repose de manière inactive. Le sujet n’est pas au courant des opérations en cours mais a été entièrement informé auparavant du protocole expérimental et peut se désengager de l’expérimentation à tout moment. 
  •  Le matériel experimental
Un appareil pour RGP est décrit dans l’article de référence ci-dessous (8).

Figure 1 

  Figure 2                                        

  • La procédure expérimentale
Les appareils d’enregistrement ainsi que l’opérateur sont hors de la vue du sujet, masqués par exemple par un rideau. Un état d’équilibre physiologique est établi, les effets de l’exposition n’étant enregistrés que lorsque le sujet est soulagé de toute inquiétude, aidé par l’action distrayante de l’assistant. Ceci peut être contrôlé par un petit appareil fonctionnant sur piles mesurant en continu le rythme cardiaque (RC) (figure 2) dont une éventuelle augmentation reflèterait un état de nervosité. Quand un niveau normal de RC est observé, un signal discret est envoyé par l’assistant à l’opérateur qui, à l’insu du sujet, enclenche un téléphone portable situé tout près mais caché du sujet, émettant un rayonnement électromagnétique de 2,4 GHz. Cette exposition est maintenue jusqu’à ce que la RGP ait augmenté mais sera prolongée pendant une heure si aucune réponse n’est observée. Le RC peut être aussi élevé. Ceci marque une différence avec les conditions expérimentales d’autres tests utilisant un temps d’exposition plus court, ce qui permet d’éviter une confusion entre une absence d’électrohypersensibilité et une possible réaction de sensibilité retardée.

Résultats

Il est supposé qu’une électrosensibilité, si elle existe, peut être détectée dans les conditions expérimentales décrites ci-dessus car ce test donne des résultats quantitatifs obtenus indépendamment de tout contrôle psychologique.

Conclusion

N’étant ni invasive, ni longue, ni dramatisante pour le sujet, cette nouvelle méthode expérimentale est proposée pour être essayée et éventuellement adoptée par des institutions cliniques ou des cabinets médicaux car elle est objective, relativement peu coûteuse et peu compliquée à mettre en œuvre. Si la validité de cette voie diagnostique est prouvée, celle-ci peut constituer un progrès significatif dans un domaine pathologique qui demande à être clarifié.

Remarque

Il doit être honnêtement reconnu que, comme tous les tests, celui-ci peut connaitre des échecs et que donc il est fait pour aider les sujets EHS et pas pour discréditer ceux qui n’y répondraient pas.

References

(1) http://www.ehs-mcs.org/

(2) Vander Vorst A, Rosen A, Kotsuka Y, RF/Microwave Interaction with Biological Tissues, New York: Wiley, 2006

(3) Havas M. et al., Provocation study using heart rate variability shows microwave radiation from 2.4 Ghz cordless phone affects autonomic nervous system, Eur.J.Oncol-Library, 2010, Vol 5, 273-310

(4) Belpomme D. et al., Reliable disease biomarkers characterizing and identifying electrosensitivity and multiple chemical sensitivity as two etiopathogenic aspects of a unique pathological disorder, Rev Environ Health 2015; 30(4): 251-274

(5) Johansson D. Disturbance of the immune system by electromagnetic fields: the potentially underlying cause for cellular damage and tissue repair reduction which could lead to disease and impairment, Pathophysiology 2009; 16(2-3):157-77

(6) Heuser G, Heuser SA., Functional brain MRI in patients complaining of electrohypersensitivity after long term exposure to electromagnetic fields, Rev Environ Health 2017; 32(3): 291-299

(7) Tuengler A, von Klitzing L., Hypothesis on how to measure electromagnetic sensitivity, Electromagnetic Biology and Medicine 2013; 32(3) : 281-290

(8) EDA/GSR (Electrodermal Activity)Measure skin conductivity to indicate emotional arousal and stress. https://imotions.com/products/imotions-lab/modules/eda-gsr-electrodermal-activity/