Le NuGREEN Soya est un panneau de particule québécois collé avec une résine à base de soja. © Uniboard
Le NuGREEN Soya est un panneau de particule québécois collé avec une résine à base de soja. © Uniboard

Une dame me parlait récemment de sa mère qui venait d'emménager dans une maison neuve et qui s'était fait installer une superbe cuisine de 30 000 $ avec beaucoup d'armoires. Un vrai bijou. Sauf que depuis son déménagement, elle souffrait de maux de tête et ne se sentait vraiment pas bien. Je lui ai suggéré de regarder du côté des composés organiques volatils (ou COV) comme le formaldéhyde, un gaz irritant à faible dose et même cancérogène chez les travailleurs surexposés pendant des années.

La sélection des matériaux est un élément primordial de tout projet de construction d'une habitation. Approche standard, « écolo », mélange des deux… Le choix dépend du degré de bien-être recherché dans l'habitation. En effet, le niveau de sensibilité aux différentes composantes des matériaux n'est pas le même pour tous et les allergies sont parfois au rendez-vous, surtout chez les enfants. La tendance est de plus en plus au mesurage des polluants et des normes et limites de « concentrations acceptables ». « C'est bon pour le business du mesurage et c'est rassurant pour la majorité, mais au final, cela ne fait qu'accroître les quantités de polluants dans notre quotidien, exit le principe de précaution », déplore l'ancien président de l'ordre des architectes André Bourassa.

D'abord, il faut se montrer cohérent dans ses choix. Si vous optez pour une maison solaire passive, il faut porter attention à la qualité des matériaux, ne serait-ce que pour la philosophie « écolo ». Les nouvelles maisons sont dotées d'une isolation supérieure pour satisfaire aux exigences de l'ancienne norme Novoclimat. Elles ressemblent à des contenants de plastique étanches munis d'un système de ventilation : une étanchéité à couper le souffle! On devra donc prioriser la qualité de l'air intérieur et éviter à tout prix les composés organiques volatils (COV) nocifs comme le toluène et le xylène, également à proscrire dans les maisons moins étanches. À bannir absolument : les colles avec ajout d'urée formaldéhyde. Malheureusement, on en retrouve dans plusieurs matériaux de construction. Pour identifier l'odeur âcre de formaldéhyde, on n'a qu'à penser à celle, typique, des maisons neuves.  

OSB et poutrelles

 Le panneau de copeaux orientés (OSB en anglais) émet peu de formaldéhyde mais il est susceptible à la moisissure car il retient l'humidité.
Le panneau de copeaux orientés (OSB en anglais) émet peu de formaldéhyde mais il est susceptible à la moisissure car il retient l'humidité.

COV le plus connu, le formaldéhyde est émis naturellement par les produits de bois mais en concentration élevée par certains matériaux de construction à « formaldéhyde ajouté ». C'est le cas notamment des contreplaqués de feuillus utilisés en ébénisterie et autres bois d'ingénierie agglomérés à la résine urée-formol (UF).

La bonne nouvelle, c'est que cette colle n'est plus utilisée dans les panneaux de copeaux orirentés (ou OSB pour Oriented Strand Board) ni dans les contreplaqués d'extérieur (à base de résineux). Ces panneaux peuvent servir à différents endroits : à l'extérieur, comme contreventements et matériaux de toiture; à l'intérieur, comme matériaux de sous-plancher et composantes de poutrelles préfabriquées, sans compter les poutres en bois lamellées-collées, celles qui traversent toute l'habitation et servent d'appui aux poutrelles. Selon le Healthy House Institute et autres sources fiables, l'OSB et le contreplaqué d'extérieur sont généralement liés avec une résine à l'épreuve de l'eau, le phénol-formol ou le MDI (polymère méthylène di-isocyanate), qui émettent des quantités moindres de formaldéhyde que les produits à base d'UF, ce que confirme Santé Canada.

Néanmoins, à la Société canadienne d'hypothèques et de logement, le chercheur Ken Ruest déconseille l'usage des cavités formées par les poutrelles et sous-planchers en OSB comme retour d'air de fournaise. À notre demande, il en a discuté avec une ancienne collègue, la chimiste Virginia Salares, spécialiste des maisons pour personnes hypersensibles : « Elle mentionne la possibilité d'émanations d'odeurs (COV) et peut-être de formaldéhyde avec ce type de retour d'air, et qu'elle préfére les conduits en métal. » Remplacer tous les produits de bois d'ingénierie par des matériaux sans aucune colle, peut faire grimper la facture de beaucoup. Il faut donc faire des compromis. Lorsque j'ai fait construire ma maison, j'ai effectué des recherches à cet effet et j'ai eu la chance de parler à un chimiste, un ancien de chez Matériaux de construction BP qui connaissait les différentes colles et celles qui émettent le moins de formaldéhyde.

J'ai appris que la compagnie Norbord fabrique à La Sarre (Abitibi) tous ses panneaux d'OSB avec une résine PMDI (polymère diphényle-méthane-di-isocyanate), composé stable aux émanations de formaldéhyde presque nulles car il contient peu de phénols. Selon ce chimiste, l'OSB lié au  MDI (polymère méthylène di-isocyanate), au PF (phénol formaldéhyde) et surtout à l'UF (urée-formol) dégagent davantage de COV. Par contre, l'adhésif d'UF est le plus susceptible à l'hydrolyse, réaction qui libère le formaldéhyde de l'adhésif durci au contact avec l'eau ou l'humidité. Lors de la construction de ma maison, j'ai pu commander des panneaux d'OSB directement de l'usine de La Sarre via mes fournisseurs. J'étais donc certaine que le produit que j'avais sous la main était le moins polluant.

 Solives ajourées Triforce. © barrettestructural.com
Solives ajourées Triforce. © barrettestructural.com

Les poutrelles (aussi appelées solives) de bois en OSB contiennent généralement un adhésif phénolique ou de MDI, peu émissifs. Néanmoins, pour minimiser davantage les émissions de formaldéhyde, j'ai opté pour des solives ajourées en bois massif et très peu de colle phénolique (résorcinol). Ces solives permettent d'y passer facilement du câblage et de la tuyauterie.  

Armoires, moulures et planchers

Les autres matériaux à fortes émissions de formaldéhyde sont les moulures en fibres de densité moyenne (MDF), les panneaux de particules utilisés pour fabriquer des armoires et les planchers stratifiés en fibres de haute densité (HDF). En général, tous sont collés à l'urée formol et peuvent émettre du formaldéhyde pendant cinq à sept ans, selon l'Environmental Protection Agency.

Il faut donc y porter une attention particulière car ces produits se retrouvent partout à l'intérieur de la maison, principalement dans les pièces importantes. Sachez que les armoires de cuisines et salles de bains vendues en magasin dégagent généralement de bonnes quantités de formaldéhyde car elles sont souvent faites de panneaux de particule bas de gamme, liés à l'UF. Ici aussi, il y a lieu de préférer les panneaux liés au MDI ou au phénol-formol moins émetteurs, tout comme les produits à base de mélamine-formol (MF). Si un produit de bois d'aggloméré n'est pas garanti « sans urée formaldéhyde ajouté », c'est qu'il en contient. Exigez alors qu'il réponde à la norme californienne CARB pour ses faibles émissions de formaldéhyde, comme c'est le cas du plancher en bois laminé et le panneau de particules NU Green fabriqués au Québec par UNIBOARD. En mars dernier, le détaillant américain Lumber Liquidators a fait l'objet d'un reportage télé très critique produit par la populaire émission 60 Minutes de CBS. Des planchers stratifiés chinois qu'il offrait émettait 20 fois plus de formaldéhyde que permis par le norme CARB!

Pour ma part, j'ai visité récemment un projet de développement qui s'annonçait comme « vert ». En fait, seul l'aménagement des quartiers était exécuté de manière écologique. Les différents constructeurs du projet carburaient aux COV dans toutes leurs maisons. L'air était irrespirable! Donc ne prenez rien pour acquis et renseignez-vous. Certains fabricants d'armoires, comme Cuisines Multiplex, offrent maintenant des substituts aux adhésifs d'UF. Les coûts supplémentaires, par exemple pour la colle PureBond contanant notamment du soya, sont de l'ordre de 25%. Par ailleurs, j'ai choisi des boiseries en bois massif, et non en MDF. J'aurais pu opter pour du MDF sans urée formol, mais le bois véritable s'avérait moins cher!

 Vernis à base d'eau Saman, fabriqué au Québec. © saman.ca
Vernis à base d'eau Saman, fabriqué au Québec. © saman.ca

Pour les planchers, toujours pour des raisons de qualité de l'air intérieur, les tapis sont déconseillés. À la limite, optez pour des carpettes en fibres naturelles mais lavez-les car elles sont souvent traitées avec des insecticides.

Tout fini de plancher dit « stratifié » contient des colles; vérifiez bien leur niveau d'émissivité de COV. Les choix les plus prudents demeurent la céramique, le marmoleum (une version écolo de la tuile de vinyle) ainsi que le bois. Mon choix s'est porté sur un plancher de chêne rouge. Il était déjà pré-traité à l'usine, donc stable en terme d'émanations de COV. Les lois concernant les finis pour le bois ont beaucoup évolué ces dernières années et les anciens vernis à l'alkyde très polluants de type « cristal » ont disparu du marché.

Au terme d'une recherche poussée sur le produits de recouvrement pour les marches d'escalier (en chêne), le vernis à base d'eau de la compagnie Saman, peu émissif et à séchage rapide, est clairement ressorti du lot. Les finis à base d'huile arrivent évidemment au premier rang puisqu'ils sont plus naturels. À vous de voir les contextes d'usure et d'entretien selon l'occupation des lieux.

Fenestration

Les cadres intérieurs latéraux des fenêtres sont souvent chauffés par le soleil. Comme des fenêtres en vinyle (PVC) m'étaient imposées par mon fabricant de maisons usinées. j'ai demandé à ce qu'elles aient un cadre intérieur en bois. Ce fut ma manière de réduire les phtalates (des assouplisseurs reconnus comme perturbateurs endocriniens) émis par le PVC à l'intérieur de la maison. Les fenêtres en bois, en aluminium ou en fibre de verre ainsi que différentes combinaisons de ces matériaux sont très acceptables, selon le budget dont on dispose.  

COV et peintures

 Peinture naturelle allemande de marque Livos. © livos.ca
Peinture naturelle allemande de marque Livos. © livos.ca

Il existe toute une panoplie de peintures dites à faible ou zéro émissions de COV. Sachez toutefois que les colorants ajoutent des COV dans les bases de peinture. Préférez donc des produits aux colorants sans COV, comme ceux fabriqués par Peinture Laurentide et certains produits Benjamin Moore. Sachez par ailleurs que même des peintures à faible teneur en COV peuvent contenir de l'éther de glycol et du propylène glycol lié à des risques accrus d'asthme, d'allergie et d'eczéma chez les enfants.

Vérifiez les fiches signalétiques des peintures disponibles sur les sites Web des fabricants pour vous assurer d'éviter ces substances nocives interdites en Europe. Pour les enfants et autres personnes hypersensibles, il est préférable d'opter pour des peintures moins polluantes (AFM Safecoat, Mythic) ou carrément des peintures naturelles (Livos, Auro, Homestead au lait, Allbäck à l'huile de lin, etc.).  

Les isolants

 Cellulose (en gris) et laine de roche.
Cellulose (en gris) et laine de roche.

Les fibres naturelles (cellulose, chanvre, coton, etc.) sont à privilégier, mais comme en toute chose, il y a toujours un revers de la médaille. Pour tous les isolants, afin d'éviter de respirer des poussière et des vapeurs chimiques, il est recommandé de porter un masque durant la pose et d'assurer l'étanchéité de la cavité pour éviter de contaminer l'air intérieur. À base de papier journal recyclé et de sels de bore, la cellulose est très efficace pour isoler les murs creux et les plafonds ou planchers.

Toutefois, sa pose peut générer beaucoup de poussière d'encre et de borates potentiellement nocive que l'on peut éliminer avec un épurateur d'air de type HEPA (High Efficiency Particulate Arrestor) et un nettoyage humide. En cas de dégât d'eau, la cellulose s'affaissera et perdra de sa valeur isolante (thermique et insonorisante). Pour conserver ces propriétés en cas de dégât d'eau (à vous d'en mesurer les probabilités selon la localisation de l'isolant), nous devons nous tourner vers la laine de roche Roxul. Moins écologique car non 100 % recyclée et émettant des fibres minérales, elle comporte néanmoins des atouts tels la résistance au feu, à l'eau et au bruit de même qu'une bonne résistance thermique. Puisqu'elle se retrouve en sandwich entre deux parois dont l'une, intérieure, est recouverte d'une membrane étanche, les émanations de ses fibres sont limitées. Roxul fabrique aussi le panneau commercial Comfortboard IS, de laine de roche à haute densité, qui sert notamment à isoler les fondations et sous les dalles de béton. Vient ensuite la laine de verre, mieux connue sous le nom de laine rose mais qui peut aussi être jaune ou blanche selon les fabricants. C'est mon dernier choix et je ne l'ai absolument pas considérée car elle est moins performante que la laine de roche, bien qu'elle soit aujourd'hui disponible à fort contenu recyclé et sans liant de formol. La compagnie qui fabriquait ma maison en usine a tout de même tenté de m'en passer dans une partie de toit en comble (par méconnaissance des produits Roxul) et j'ai exigé qu'on la remplace.

 Le polyuréthane permet de stopper l'infiltration du radon. © demilec.com
Le polyuréthane permet de stopper l'infiltration du radon. © demilec.com

Vient en tout dernier lieu le polyuréthane giclé. Au plan « éconergétique », c'est le meilleur placement mais sa pose implique l'émanation d'isocyanate. Comme ce gaz peut déclencher de l'asthme, l'installateur doit porter un masque respiratoire. Les données sur ses émanations à long terme sont limitiées. Selon BASF qui fabrique le produit Wallite, il faut 24 à 48 heures pour que la mousse atteigne sa résistance maximale. 

Des mesures indépendantes effectuées par le Saskatchewan Research Council ont confirmé que 24 heures après la pose du SEALECTION 500 de Demilec dans une maison bien ventilée, le taux de COV « se situait en-deçà du seuil de détection », selon le rapport d'évaluation de ce produit publié par le Centre canadien de matériaux de construction (CCMC) du Conseil national de recherches du Canada (CNRC). « Dans les cas de réhabilitation, précise le rapport, la zone des travaux doit être isolée puis soumise à une pression négative au moyen d'un taux d'exfiltration de 0,3 renouvellement par heure pendant au moins un (1) jour. Selon une étude toxicologique indépendante, la ventilation spécifiée doit être en fonction pendant un (1) jour avant que les suites nouvellement isolées ne puissent être occupées. » Le polyuréthane est particulièrement recommandés sur le pourtour intérieur de la solive de rive.  

Les finis extérieurs

 Très durable et écologique, la peinture au silicates est couramment utilisée en Europe. © eco-house.com
Très durable et écologique, la peinture au silicates est couramment utilisée en Europe. © eco-house.com

En principe, les finis extérieurs ne devraient pas affecter la qualité de l'air intérieur. Toutefois, appliqués près d'une fenêtre ouverte ou d'une prise d'air de ventilation, du bardeau d'asphalte et surtout de la teinture à fortes émissions de COV peut incommoder une personne hypersensible. Préférez donc les toitures métalliques, de bois ou de polymère.

Pour vos murs, le meilleur choix est le bois ou un produit minéral comme la brique, le stucco et la pierre qui peuvent être finis avec une peinture ou une teinture aux silicates qui diffuse la vapeur d'eau. Les parements de bois teints en usine au latex acrylique sont durables et non polluants. L'aluminium un produit plus stable et moins polluant que le PVC mais de fabrication énergivore. Viennent ensuite tous les produits hybrides à imitation de bois et vendus sans entretien. Ils ont chacun leurs qualités et leurs faiblesses. Consulter la fiche signalétique du produit afin de prendre une décision éclairée.  

Mot de la fin

Bref, avant d'acheter, lisez et posez des questions pour éviter de vous faire avoir par l'écoblanchiment. Méfiez-vous de tous les produits à forte odeur car les personnes hypersensibles peuvent aussi réagir aux produits naturels, par exemple à base d'huiles essentielles. Mais règle générale, les produits synthétiques sont plus nocifs, dont les fameux « sent-bon » dont plusieurs parfument leurs maisons et qui émettent du formaldéhyde et du paradichlorobenzène utilisé dans les boules à mites, selon l'Agence américaine de protection de l'environnement.

En effet, dans bien des cas, ce sont nos nettoyeurs et produits domestiques qui polluent davantage nos maisons, certes plus que les isolants ou même les fenêtres de PVC. Afin de vous guider de façon soutenue lors de la mise en oeuvre de votre chantier, les sites web suivants vous donneront une abondance d'informations sur les différents produits de construction ainsi que sur leurs usages.

Bon été!

buildinggreen.com

ecohabitation.com

guideperrier.com

En collaboration avec André Fauteux