Depuis 10 ans, les diagnostics d'électrohypersensibilité ont explosé, selon la Dre Riina Bray, directrice de l'Environmental Health Clinic affiliée à l'Université de Toronto.
Depuis 10 ans, les diagnostics d'électrohypersensibilité ont explosé, selon la Dre Riina Bray, directrice de l'Environmental Health Clinic affiliée à l'Université de Toronto.

Le Comité permanent de la Santé de la Chambre des communes somme le gouvernement canadien de mieux protéger les enfants et autres personnes hypersensibles aux radiofréquences (RF) émises par les appareils sans fil. Déposé aujourd'hui et intitulé Le rayonnement électromagnétique de radiofréquences et la santé des Canadiens, le 13e rapport du Comité est un gifle pour Santé Canada qui est accusé de ne pas protéger suffisamment la santé publique en la matière. Ceci notamment en ignorant 140 études scientifiques importantes soumises par des experts mandatés par l'organisme Canadiens pour une technologie sécuritaire, groupe de pression fondé par l'ancien président de Microsoft Canada, Frank Clegg.

Le 13 mars 2015, le Ministère publiait une mise à jour de sa ligne directrice Code de sécurité 6, Limites d’exposition humaine à l’énergie électromagnétique radioélectrique dans la gamme de fréquences de 3 kHz à 300 GHz, en affirmant que ces recommandations « figurent désormais parmi les limites fondées sur les preuves scientifiques les plus rigoureuses au monde », selon le témoignage fait devant le Comité par Andrew Adams, directeur général à la Direction des sciences de la santé environnementale et de la radioprotection de Santé Canada.

Or plusieurs experts canadiens et internationaux ont contesté cette affirmation lors d'audiences publiques tenues par le Comité les 24 mars, 23 avril et 28 avril 2015. Selon l'expert Martin Blank, professeur de physiologie à l'Université Columbia (New York) et ancien président des sociétés internationales de bioélectromagnétique et de bioélectrochimie, l'évaluation de Santé Canada fut « menée par des personnes non spécialisées en biologie ». Selon l'introduction du rapport signé par dix parlementaires, beaucoup des témoins « ont parlé des lacunes du Groupe d’experts de la Société royale du Canada, à qui Santé Canada avait demandé d’examiner ses révisions proposées. Certains témoins ont contesté le processus par lequel Santé Canada a sélectionné les preuves scientifiques qui étayeraient les limites d’exposition aux RF énoncées dans le Code de sécurité 6. D’autres ont parlé du lien qui existerait entre l’exposition aux RF et le cancer, l’infertilité et l’autisme. Dans le même ordre d’idées, certains ont abordé comme sujet le problème de l’exposition des enfants aux ondes Wi-Fi dans les écoles; la nécessité d’instaurer des limites et des lignes directrices pour protéger les groupes vulnérables (femmes enceintes, bébés, enfants et autres qui seraient peut-être plus susceptibles aux effets de l’exposition aux RF); et le trouble de santé appelé hypersensibilité électromagnétique (HSE). « Devant le Comité et dans les mémoires, beaucoup d’intervenants ont exhorté Santé Canada à agir avec précaution et à abaisser les limites établies dans le Code de sécurité 6 (ils ont parfois donné des exemples de limites ou de mesures adoptées dans d’autres pays pour protéger la population contre l’exposition aux RF). Ils ont aussi, par ailleurs, recommandé des façons pour les particuliers de réduire leur exposition à l’énergie électromagnétique.

Enfin, certains témoins ont appelé l’industrie à jouer un rôle elle aussi à cet égard. » Parmi ces témoins figurait la Dre Riina Bray, directrice médicale de l'Environmental Health Clinic du Women’s College Hospital, affilié à l'Université de Toronto. Elle « a signalé que les diagnostics d’hypersensibilité électromagnétique ont explosé ces 10 dernières années, et que bon nombre des personnes qui souffrent de ce trouble « trouvent leur vie quotidienne et leur travail difficiles et inconfortables ». Les symptômes peuvent se manifester rapidement et le rétablissement peut exiger jusqu’à une journée de repos. » Or le comité confirme que la Loi canadienne sur les droits de la personne exige que le gouvernement du Canada prenne « des accommodements raisonnables en cas de manifestations d’intolérance au milieu, comme l’hypersensibilité électromagnétique ».

Recommandations

Voici les recommandations du Comité qui valident clairement les inquiétudes de ces témoins :

  1. Que le gouvernement du Canada, en collaboration avec les ministères de la Santé des provinces et des territoires, examinent les méthodes actuelles de collecte de données sur les cancers afin d’améliorer la collecte de renseignements sur l’utilisation des appareils sans fil et le cancer.
  2. Que Statistique Canada envisage d’ajouter à l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes des questions sur l’hypersensibilité électromagnétique.
  3. Que le gouvernement du Canada, par l’entremise des Instituts de recherche en santé du Canada, envisage de financer la recherche sur les tests, le diagnostic et le traitement de l’hypersensibilité électromagnétique, et sur son impact possible sur la santé au travail.
  4. Que l’Association médicale canadienne, le Collège royal des médecins et chirurgiens, le Collège des médecins de famille du Canada et l’Organisation mondiale de la santé envisagent de mettre à jour leurs lignes directrices et leur matériel de formation continue sur le diagnostic et le traitement de l’hypersensibilité électromagnétique, afin que ces documents tiennent compte des données scientifiques les plus récentes et reflètent les symptômes des Canadiens.
  5. Que le gouvernement du Canada continue de prendre des accommodements raisonnables en cas de manifestations d’intolérance au milieu, comme l’hypersensibilité électromagnétique, conformément à ce qu’exige la Loi canadienne sur les droits de la personne.
  6. Que Santé Canada s’assure de l’ouverture et de la transparence de ses processus d’examen du Code de sécurité 6, afin que tous les Canadiens aient la possibilité d’être informés sur les éléments de preuve retenus ou non lors de ces examens, que les experts externes aient accès à l’information entière aux fins de leurs examens indépendants, et que la justification scientifique des éventuels changements soit clairement communiquée.
  7. Que le gouvernement du Canada établisse un système permettant aux Canadiens de signaler les effets indésirables potentiels des champs de radiofréquences.
  8. Qu’un organe scientifique indépendant reconnu par Santé Canada détermine s’il faut adopter au Canada les mesures et les lignes directrices décidées dans d’autres pays, comme la France et Israël, pour limiter l’exposition aux radiofréquences des groupes vulnérables, dont les bébés et les jeunes enfants en milieu scolaire.
  9. Que le gouvernement du Canada élabore une campagne de sensibilisation à l’utilisation sûre des technologies sans fil, comme les téléphones cellulaires et le Wi-Fi, dans des environnements clés comme l’école et la maison, afin que les enfants et les familles canadiennes réduisent les risques potentiels de l’exposition aux radiofréquences.
  10. Que Santé Canada réalise un examen complet de toutes les études existantes sur les champs de radiofréquences et la cancérogénicité, conformément aux pratiques exemplaires internationales.
  11. Que le gouvernement du Canada, par l’entremise des Instituts de recherche en santé du Canada, envisage de financer les recherches sur le lien entre les champs de radiofréquences et les effets potentiels sur la santé comme le cancer, les dommages génétiques, l’infertilité, les anomalies de développement et de comportement, les effets nocifs sur les yeux et le cerveau, et les effets cardiovasculaires, biologiques et biochimiques.
  12. Que le gouvernement du Canada et les fabricants envisagent l’adoption de politiques sur la commercialisation des appareils émetteurs de radiations auprès des enfants de moins de 14 ans, de manière à ce que ceux-ci connaissent les risques pour la santé et sachent comment les éviter.

Pour lire le rapport : Le rayonnement électromagnétique de radiofréquences et la santé des Canadiens.