Karl Goupil, Arboriculteur et expert-conseil
Président Forestiers Urbains 
Cofondateur du Symposium de la foresterie urbaine 

Notre culture nord-américaine nous a inculqué l’image d’un paysage organisé et propre selon notre perception cartésienne de ce qui devrait être beau et structuré.

La forêt est un milieu autosuffisant où la matière organique est continuellement renouvelée par un cycle naturel, la reconversion d’énergie. Les « déchets » forestiers font partie intégrante de la transformation de la matière organique, cette matière carbonée indispensable à toute forme de vie provenant de la forêt elle-même.

La photosynthèse

Les végétaux sont photoautotrophes, c’est-à-dire qu’ils croissent par la photosynthèse, processus par lequel les plantes vertes synthétisent des matières organiques grâce à l’énergie lumineuse, en absorbant le gaz carbonique de l’air et en rejetant l’oxygène. Ce processus dépend d’autres éléments simples pour les nourrir, soit l’eau et les sels minéraux dissouts dans cette eau. La qualité du sol (l’eau, les minéraux et l’oxygène) et de l’air (le gaz carbonique, l’azote et l’oxygène) sont donc indispensables pour accomplir ce processus de façon optimale.

L’arbre s’impose sur la végétation environnante par sa domination quant à l’apport en lumière qui nourrit les parties végétatives que sont ses branches et ses feuilles. Les autres plantes n’ont qu’à s’adapter et à se ressourcer de la lumière qui réussit à s’infiltrer dans le plus bas étage de la forêt. La perte des arbres dans un boisé constitue le début de la fin de cet écosystème.

La forêt abrite diverses essences de végétaux, incluant les arbres, mais aussi des animaux, des champignons, des arthropodes, etc. qui vivent tous en étroite relation, créant ainsi un écosystème équilibré. La constance de cette relation est due aux apports d’éléments naturels auxquels l’homme n’arrive pas à se substituer.

Une forêt à petite échelle

Nous parlerons ici de boisés en zone tampon, sans lien direct avec un milieu forestier dont l’étendue est relativement grande. Pour se donner une idée de grandeur, un boisé en zone tampon se définit par une petite superficie en deçà de deux acres environ. On dit zone tampon parce que souvent les boisés constituent des refuges pour plusieurs formes de vie et parce qu’ils se trouvent fréquemment entourés de développements domiciliaires où l’arbre est rarement roi… Ces boisés représentent les parties écartelées et démembrées d’anciennes forêts. Ils sont donc en ce sens indispensables.

À cause de sa petite superficie, un boisé est un écosystème difficile à préserver considérant le peu d’arbres qui le composent, éléments précurseurs du développement d’un écosystème forestier. Avant tout, il faut percevoir l’espace que couvre le boisé.

Un sol vivant  

L’accumulation au sol de feuilles, de branches, la présence de champignons et d’insectes décomposeurs s’avèrent des indices d’un bon équilibre de la santé de votre boisé. La matière organique tombée au sol se nomme litière. Cette matière sera consommée par des champignons et des insectes qui la décomposent sous forme d’humus, en terre se liant aux minéraux, recréant ainsi un sol forestier.

Ce sol forestier est peuplé de micro-organismes qui poursuivent inlassablement le processus de décomposition à la suite de l’apport régulier de matière organique qui tombe au sol. Ce travail va éventuellement fournir aux arbres et aux autres végétaux les éléments indispensable à leur survie. Et le cycle recommence sans cesse.

L’erreur à éviter

Le nettoyage de votre boisé ne doit pas se comparer à l’entretien d’un fond immobilier gazonné. Le gazon se compose en général de graminées. Ces plantes n’ont pas les mêmes besoins qu’un milieu boisé. De plus, le fait de faire le ratissage des feuilles et de la matière organique au sol nous oblige à fertiliser pour compenser la perte de cette accumulation naturelle qui se verrait de toute façon consommée par les micro-organismes du sol.

Alors quoi faire, dans un boisé? Dans le meilleur des mondes, rien! Quoique si vous voulez absolument intervenir pour « aider » votre boisé, vous pouvez déjà couper en plus petits morceaux les branches tombées au sol, favorisant une décomposition plus rapide. Évitez les tas de bois ou de branches, éparpillez le tout au sol. Faire une coupe jardinière de vos arbres est utile : cela consiste à éliminer les végétaux malades ou mal structurés, laissant ainsi mieux s’établir les spécimens les mieux adaptés.

La qualité de votre sol est votre meilleur allié. La prédisposition au développement de la maladie se trouve directement liée à l’apport en eau et en sels minéraux. Un manque de ces deux éléments de base déclenche une cascade de causes à effets menant inévitablement à la mort d’un arbre puis d’un autre et ainsi de suite.

La désertification

Nettoyer son boisé comme on nettoie un plancher risque de mener à moyen ou long terme à la désertification de votre sol. La matière organique doit se renouveler par accumulation. La désertification se définit par l’érosion d’un sol ne possédant plus de matière organique servant de « colle » naturelle pour le maintien du sol. La « terre », par adsorption, évite le lessivage et le ruissellement des minéraux indispensables à la nutrition des végétaux.

En fait, la nature se débrouille très bien elle-même. Notre intervention doit se limiter à de petites actions. Sauf que… un boisé ne représente pas un milieu naturel en soi, notre action minimaliste n’est donc pas à rejeter complètement. La raison est simple : toutes les composantes forestières ne se trouvent pas présentes et l’écosystème n’est pas équilibré en raison de son étendue réduite.

Comment être minimaliste

Bref, on peut couper, déchiqueter, sélectionner, mais il sera important de laisser sur place les « déchets » forestiers et d’éviter les interventions radicales, comme l’élimination des petits arbres qui représentent l’avenir de votre boisé. Pour favoriser sa résistance aux maladies et assurer sa pérennité, il faut favoriser la biodiversité.