Extrait du livre Une alimentation ciblée pour préserver ou retrouver la santé de l'intestin - L'effet antidouleur de la diète hypotoxique, de Jacqueline Lagacé, paru en 2016 aux édition Fides. Cette infatiguable chercheuse y vulgarise les connaissances scientifiques les plus récentes concernant les liens entre les aliments consommés et les maladies inflammatoires chroniques. Elle apporte aussi un éclairage précieux sur des sujets controversés, comme la prise de suppléments de calcium, de vitamine D, d’oméga 3, la fiabilité des tests de détection des intolérances alimentaires, etc. Les références citées se retrouvent dans son livre.

Les aliments que nous choisissons de consommer ou non ainsi que leurs modes de préparation ont des conséquences sur la palatabilité (consistance et goût des aliments), l’appétit, la digestion, l’assimilation de leurs différents constituants, l’élimination des déchets et des toxines ainsi que sur les gains énergétiques. Toutes ces fonctions, qui sont influencées par nos caractéristiques génétiques particulières et par notre mode de vie, ont un impact important sur notre santé, y compris sur notre système immunitaire, dont le rôle est de nous protéger contre le développement de maladies infectieuses et/ou chroniques. On ne connaît pas la date précise du début de la pratique de la cuisson des aliments. On sait toutefois que la cuisson des aliments est une coutume très ancienne si l’on tient compte de la durée de temps requise pour que des adaptations biologiques qui en découlent, telle la réduction de la taille des dents et de la mâchoire, en raison d’une mastication facilitée, deviennent évidentes. En ce qui concerne les intestins qui sont des tissus mous, les études archéologiques ne peuvent pas nous renseigner sur leur anatomie. Toutefois, lorsque l’on compare notre anatomie digestive avec celle des grands singes, les différences incluent un volume intestinal plus petit, un intestin grêle plus long, un cæcum et un côlon plus petits et un transit intestinal plus rapide chez les humains. Ces dernières caractéristiques seraient des adaptations essentielles à une diète relativement élevée en densité calorifique qui caractérise l’utilisation de la cuisson des aliments1,2.

Ainsi, analyser l’influence des aliments crus et cuits nous ramène obligatoirement à l’histoire évolutive de l’homme qui, à partir des préhominiens apparus il y a environ 25 millions d’années, a abouti il y a ± 200 000 ans à Homo sapiens dont nous partageons encore aujourd’hui les mêmes gènes. Des données biologiques indiquent que la cuisson des aliments pourrait avoir débuté chez nos ancêtres homos il y a environ 2 millions d’années, alors que des preuves archéologiques de la maîtrise du feu remonteraient à 1,5 million d’années, et la construction de foyers à 0,7 million d’années2. Par exemple, en Chine et en Europe, des traces de feux entretenus sur de longues périodes de temps, montrant la présence de carcasses d’animaux, remonteraient à environ 400 000 ans. La cuisson des aliments est donc loin d’être un évènement récent comparativement à la culture des céréales et à l’élevage des animaux (consommation de laits animaux) qui auraient commencé il y a 10 000 ans, ce qui représente moins de 1 % de l’histoire évolutive de l’homme1,2.

La viande et les tubercules semblent avoir été consommés par nos ancêtres hominidés depuis au moins 2 millions d’années. Ce sont les ressources énergétiques qui proviennent de ces aliments préparés grâce à l’utilisation du feu qui, par leur apport indispensable d’énergie, auraient favorisé une plus grande capacité d’activité, une augmentation de la fécondité et du taux de natalité, ainsi que celle de la taille de leurs corps et de leurs cerveaux. On sait qu’encore aujourd’hui les gains énergétiques associés à la cuisson des aliments restent très importants puisque les protéines animales et les tubercules continuent d’être les aliments de base dans le monde et que les gains énergétiques conférés par la cuisson contribuent à expliquer pourquoi ces aliments sont cuits avant d’être consommés1,2.

La cuisson des aliments a permis d’améliorer la mastication, la consommation, la digestion et l’assimilation des aliments. Ces progrès ont été réalisés par le fait : 1) de briser les barrières physiques des enveloppes et des fibres des aliments ; 2) de faire éclater les cellules pour rendre leur contenu plus accessible à la digestion et à l’absorption ; 3) de modifier la structure physique des protéines et de l’amidon dans des formes plus accessibles à la digestion par les enzymes ; 4) de réduire la structure chimique des molécules non digestibles en des formes plus petites qui peuvent être fermentées plus rapidement et complètement ; 5) de dénaturer des toxines et de tuer les pathogènes. De plus, l’adoption de la cuisson des aliments, en plus d’accroître la variété des aliments comestibles, aurait créé une nouvelle forme de distribution de la nourriture qui a généré de nouveaux comportements sociaux permettant de mieux gérer les pressions de la compétition alimentaire, avec probablement une forte influence sur la psychologie évolutive3,4.

 Ancien professeur d'immunologie à la faculté de médecine de l'Université de Montréal, Jacqueline Lagacé fut forcée à la retraite par l'arthrose. Elle est par la suite devenue auteur à succès en contrôlant cette maladie grâce à une alimentation naturelle exempte de gluten et de caséine. © André Fauteux
Ancien professeur d'immunologie à la faculté de médecine de l'Université de Montréal, Jacqueline Lagacé fut forcée à la retraite par l'arthrose. Elle est par la suite devenue auteur à succès en contrôlant cette maladie grâce à une alimentation naturelle exempte de gluten et de caséine. © André Fauteux

Il ne fait pas de doute que les humains sont des omnivores, mais à quelle forme d’aliments sont-ils mieux adaptés biologiquement ?

Est-ce qu’il y a des variétés et/ou des combinaisons particulières d’aliments ou de modes de préparation qui sont mieux adaptées à l’anatomie et à la physiologie homo et qui sont aptes à favoriser un développement plus harmonieux ? C’est à ces questions que les chercheurs tentent de répondre à partir de leurs observations et de leurs analyses. Même si la consommation de viande pourrait avoir contribué à la qualité de la diète des hommes préhistoriques, le seul fait de consommer de la viande serait insuffisant pour soutenir le développement des caractéristiques de l’homme moderne parce que ce dernier ne répond pas de façon optimale à une diète crue même lorsqu’elle comporte de la viande. Des paléontologistes soutiennent que la cuisson confère des bénéfices physiques et chimiques aux aliments qui sont compatibles avec les adaptations alimentaires humaines observées telles que la mastication, l’augmentation de la digestibilité des aliments ainsi que les gains énergétiques nets obtenus à partir des plantes et des animaux consommés régulièrement par les humains. Les travaux de recherche en anthropologie montrent que la cuisson des aliments aurait permis d’améliorer plusieurs aspects de la biologie évolutive des humains du paléolithique : l’augmentation du cerveau, de la masse corporelle, de la vitesse de croissance et de reproduction, la défense contre les parasites et les agents pathogènes d’origine alimentaire ainsi que la capacité de se déplacer sur de longues distances. Ces changements évolutifs seraient reliés à une meilleure palatabilité et une digestibilité supérieure grâce à la gélatinisation des amidons, la dégradation des fibres, la prédigestion des protéines qui permettent à la fois des gains énergétiques tirés des aliments tout en réduisant le coût énergétique de la désintoxication et de la défense contre les pathogènes4. Des expériences récentes ont montré qu’une diète basée sur des aliments cuits influence l’expression des gènes de telle façon qu’ils favorisent une sélection positive en faveur du développement d’une lignée humaine1. Un des grands avantages de la cuisson est de tuer les bactéries d’origine alimentaire, incluant des souches associées à de la viande crue : Escherichia coli, Salmonella, Campylobacter, Staphylococcus et Listeria. Si ingérés vivants, ces pathogènes régulent à la hausse le système immunitaire en augmentant le coût énergétique du métabolisme de base pour protéger l’organisme contre ces pathogènes dans le meilleur des cas5.

L’observation des aborigènes d’Australie, dont le mode de vie serait encore proche de celui de la période paléolithique, montre que la cuisson des aliments était importante à cette époque : ils font cuire 94,1 % des racines (51 espèces), 87,5 % des noix (16 espèces), 84,4 % des graines (45 espèces). De plus, la prédigestion des amidons par la cuisson a une importance particulière pour les humains puisque dans presque toutes les sociétés les aliments riches en amidon constituent les denrées prédominantes durant une grande partie de l’année6.

Les performances physiologiques seraient compromises chez les crudivores
Il apparaît que de nombreux crudivores ne limitent pas la quantité de nourriture qu’ils consomment puisqu’ils disent avoir faim constamment même s’ils mangent fréquemment. Les humains qui suivent une diète végétarienne prennent plus de poids et montrent une meilleure capacité reproductive lorsqu’ils consomment une alimentation cuite plutôt qu’une alimentation crue. Ainsi, consommer uniquement des aliments crus fournit moins d’énergie, tel que démontré chez les femmes crudivores qui présentent des taux d’aménorrhée (absence ± prolongée de menstruation) ou d’irrégularité menstruelle plus élevés que celles qui consomment des aliments cuits. Les travaux de Koebnick et al.7 ont montré que les menstruations étaient absentes chez 23 % des femmes en âge de procréer qui consommaient au moins 70 % de leurs aliments sous forme crue et chez 50 % de celles qui sont crudivores à 100 %. Il est révélateur que l’addition de viande crue à leur diète végétarienne n’améliore pas la situation. Par contre, les femmes végétariennes qui consomment des aliments cuits ne montrent pas de tels problèmes.
Donc les problèmes ovariens ne sont pas dus à une alimentation végétarienne, mais bien à une alimentation exclusivement crue à long terme. Une autre étude crédible a permis de démontrer, à la fois chez des hommes et des femmes, qu’une diète essentiellement crue à long terme était associée à une masse osseuse plus faible, comparée à celle des sujets témoins, au niveau de zones cliniquement importantes telles la colonne lombaire et les hanches, sans qu’une augmentation du taux de renouvellement osseux ou un manque de vitamine D aient été décelés8.

De plus, les crudivores qui désirent engraisser n’y arrivent pas même si les végétaux qu’ils consomment sont de grande qualité, qu’il s’agisse des graines et légumineuses germées, des pousses vertes, des fruits, des noix et des céréales, incluant des huiles. Il est remarquable que même si les crudivores s’opposent à la cuisson des aliments, ils les préparent avec soin à l’aide de méthodes de broyage, de germination, de compression et même de la chaleur jusqu’à 48 °C (118 °F). Certains auteurs affirment qu’une diète d’aliments crus naturels qui présentent des valeurs énergétiques faibles et qui sont riches en fibres peut limiter l’apport énergétique dans des communautés traditionnelles, de telle sorte que cette diète complique leur survie et leur reproduction9.

On peut en déduire que chez les humains, les gains calorifiques apportés par la cuisson peuvent non seulement être avantageux mais nécessaires à long terme pour des fonctions biologiques normales. Il serait donc utile que l’étiquetage des denrées alimentaires tienne compte de la préparation des aliments, ce qui n’est pas le cas actuellement. Cette inadéquation entraîne des erreurs d’estimation des apports nutritionnels concernant les aliments cuits10.

Des expériences ont démontré que des souris nourries avec des viandes cuites développent une masse corporelle plus grande que celles nourries avec des viandes crues même lorsqu’elles en consomment moins (poids secs), confirmant que la cuisson augmente l’énergie extraite par gramme de viande consommée. Ce paradoxe peut s’expliquer en grande partie par la meilleure
digestibilité des aliments cuits, leurs coûts énergétiques moindres durant la digestion et le fait que le système immunitaire soit moins sollicité, puisque la cuisson tue la grande majorité des pathogènes. De plus, des travaux ont montré que deux groupes d’individus qui consomment les mêmes aliments tout en comptant les calories expérimentent un gain de poids plus important pour un niveau d’activité physique comparable selon qu’ils consomment leurs aliments cuits plutôt que crus2,9,11.

En conclusion, les études qui montrent une masse corporelle et une capacité reproductrice moindres parmi les individus qui suivent une diète végétarienne crudivore indiquent que la cuisson
est nécessaire chez les humains pour extraire efficacement l’énergie à partir des végétaux, même quand ces aliments ont été modifiés par l’agriculture et traités par des procédés non thermiques. La possibilité que la cuisson soit obligatoire repose sur le fait, calculs à l’appui, qu’une diète crue ne peut apporter la quantité de calories suffisante pour le mode de vie d’un chasseur-cueilleur normal. Plus précisément, plusieurs plantes sont trop riches en fibres lorsqu’elles sont crues alors que la plupart des viandes crues apparaissent trop difficiles à mastiquer.

Les bienfaits d’une diète crue
Une diète crue s’avère efficace pour contrer les problèmes de gain de poids. Plusieurs aliments conservent mieux les qualités de plusieurs nutriments lorsqu’ils sont consommés crus, car la chaleur peut détruire des nutriments, les vitamines solubles dans l’eau, plusieurs antioxydants et des gras non saturés. De plus, les effets bénéfiques des fibres alimentaires insolubles et solubles peuvent être altérés et réduits par la cuisson. L’alimentation crue, en stimulant le système immunitaire, favoriserait la prévention des maladies d’inflammation chronique y compris les maladies cardiovasculaires et les cancers12. Les aliments crus favoriseraient également la capacité d’améliorer le contrôle du glucose sanguin chez les diabétiques.
On insiste beaucoup sur les bienfaits d’une alimentation crue. Par exemple, on affirme que les enzymes contenues dans les aliments crus, lesquels sont détruites par la cuisson, favorisent la digestion. Une certaine digestion par les enzymes des végétaux est probable dans la bouche, par contre je n’ai trouvé aucune étude qui démontre que ces enzymes de plantes peuvent résister à l’acide chlorhydrique présent dans l’estomac. De plus, comment imaginer que des enzymes de plantes aient évolué de sorte qu’ils résistent à un pH approximatif de 2 tel celui de l’acide gastrique ?

L’alimentation crue repose sur une grande quantité de végétaux variés. En alimentation crue, les grains, les noix et les légumineuses doivent subir des traitements parce que ces aliments contiennent des antinutriments et des inhibiteurs d’enzymes (phytates ou acide phytique, lectines, saponines et inhibiteurs de protéase) s’ils ne sont pas désactivés. Ces antinutriments peuvent nuire à la digestion et à l’assimilation des nutriments. Le trempage dans de l’eau, la germination, différentes formes de fermentation permettent de rendre disponibles les différents nutriments de ces aliments tout en neutralisant une partie de ces antinutriments13. De plus, ces procédés augmentent le potentiel de l’activité biologique des aliments ainsi traités, comme la production d’antioxydants et de vitamines, particulièrement celles du complexe B. Il est important de faire tremper les légumineuses et de les préparer de façon adéquate selon leurs caractéristiques, car les humains ne possèdent pas les enzymes digestives capables de réduire les phytates. De plus, après le trempage et la germination, les légumineuses (lentilles, haricots mungos, niébés, fèves soya et graines de radis, de brocoli, et de tournesol) montrent une augmentation de leurs qualités nutritives en lien avec leurs propriétés antioxydantes dues aux polyphénols (simples phénols, acides phénoliques, coumarines, flavonoïdes, stilbènes, tannins et lignines).
Différentes conditions de trempage (ajout de jus de citron par exemple) et/ou de germination des légumineuses et des graines, selon les temps d’exposition à la lumière et en fonction de leurs caractéristiques propres, peuvent influencer le potentiel de leurs activités biologiques. Ainsi, dans le cas des lentilles, un éclairage continu et une durée de germination de 3-4 jours peuvent augmenter leur profil phénolique, ce qui peut se traduire par une augmentation significative de leur potentiel antioxydant14.

N.B. Le trempage et la cuisson des légumineuses inactivent les antinutriments contenus dans les légumineuses, sans toutefois entraîner l’augmentation de l’activité biologique obtenue par la germination. D’autre part, le trempage et la germination n’éliminent pas complètement l’activité des antinutriments.

Quelles sont les conditions de préparation des aliments les plus aptes à favoriser leur potentiel pro-santé ?
– L’influence de la cuisson sur l’activité antioxydante et/ou anticancérigène des légumes
Les végétaux contiennent plusieurs composés antioxydants hydrophiliques (miscibles dans l’eau) et/ou lipophiliques (miscibles dans les graisses). Il y a synergie entre ces composants antioxydants dans leur efficacité à capter les radicaux libres, cause d’oxydation et de vieillissement accéléré. Les antioxydants agissent aussi en tant que chélateurs de métaux, donc comme détoxifiants. De plus, des molécules telles les isothiocyanates contenues dans les végétaux de la famille des crucifères auraient un impact épigénétique dans la prévention de cancers. Ainsi, les antioxydants peuvent réguler les réponses immunitaires inflammatoires et exercer des propriétés antiulcéreuses, comme c’est le cas pour les sulphoranes et les isothiocyanates du brocoli ainsi que pour l’allicine de l’ail15. Comme la plupart des légumes sont consommés après cuisson, il est important de connaître les modes de cuisson à privilégier – sans oublier qu’il est important aussi de consommer certains d’entre eux sous leur forme crue.

Le mode de cuisson par ébullition dans l’eau est celui qui induit les plus grandes pertes d’antioxydants pour la majorité des légumes et particulièrement pour le chou-fleur, les pois et les courgettes16. Quelques légumes conservent malgré tout un peu plus de 60 % de l’activité de leurs antioxydants lors de ce type de cuisson, il s’agit de l’artichaut, du chou, du kale, des choux de Bruxelles, du radis, de l’ail, de la betterave, du haricot vert et de l’asperge. Par contre, l’ail perd sa capacité de piégeage des métaux lors de la cuisson par ébullition. À l’opposé, la bette à carde et les poivrons sont les plus affectés par tous les modes de cuisson en ce qui concerne la préservation des antioxydants. La cuisson vapeur par pression (presto) par opposition à la cuisson vapeur douce, entraîne une perte importante (25-50 %) des antioxydants pour la très grande majorité des légumes à l’exception de ceux qui résistent à l’ébullition.

Par contre, quelques rares études utilisant la cuisson à la vapeur douce montrent que le chou-fleur ainsi que des plantes de jardin consommées dans la diète méditerranéenne conservent un pourcentage élevé de leur contenu en antioxydants. L’avantage secondaire de la cuisson à la vapeur douce dans le cas des plantes de jardin était que dans sept cas sur huit, la quantité de nitrate était diminuée par comparaison avec les plantes non cuites.

Selon une étude physiologique de Vermeulen, la consommation de brocoli cru résulte en une absorption plus rapide, une plus grande bioaccessibilité et un pic plasmatique plus élevé des substances anticancérigènes que le brocoli cuit17. Il a été également démontré que la consommation de crucifères crus réduirait le risque de développer un cancer de la vessie. L’ail cru présente une action protectrice contre le cancer du poumon. Cette action est dépendante de la dose-réponse, ce qui est une preuve difficilement contestable de l’efficacité de l’ail cru en tant qu’agent chémo-préventif du cancer du poumon15.

Récemment, on a observé chez les femmes susceptibles de développer de l’ostéoporose que la consommation de 100 ml de jus d’oignons quotidiennement pendant huit semaines pouvait entraîner une augmentation significative de différents antioxydants et de leur activité, ce qui n’était pas observé dans le groupe contrôle. On a pu mesurer chez trois femmes ménopausées une amélioration légère de la densité minérale des os, alors que des mesures in vitro ont permis d’inhiber la production d’ostéoclastes, les cellules responsables de la résorption du tissu osseux. Ces résultats incitent les auteurs de l’article à recommander le jus d’oignons pour traiter les problèmes osseux, particulièrement l’ostéoporose, puisqu’il diminue la perte osseuse et augmente la densité minérale des os18.

– Stabilité et bioaccessibilité des différentes formes de carotène et de vitamine A
La cuisson amollit les membranes et facilite l’extraction des caroténoïdes. La perte des vitamines tout comme celle des antioxydants varie avec le mode de cuisson. La friture, globalement, est un mode de cuisson très défavorable parce qu’elle déshydrate les légumes permettant ainsi au gras de pénétrer dans les aliments. De plus, les aliments cuits dans de l’huile déjà utilisée (restaurants) contiennent des niveaux élevés de produits polymérisés mauvais pour la santé19.
Les carotènes présents dans de nombreux fruits et légumes sont instables et peu bioaccessibles. La meilleure source de carotène provient des épinards cuits pour une valeur de 2,6 mg/100 g de matière sèche comparativement à 2,0 mg/100 g pour les épinards crus. C’est sous forme de jus de carottes crues que l’on obtient la plus grande quantité de vitamine A bioaccessible soit 1 850 μg/100 g de matière sèche. Par comparaison on obtient 790 μg/100 g de matière sèche avec les épinards cuits et 80 μg/100 g avec les épinards crus. Il y a donc près de 10 fois plus de vitamine A bioaccessible dans les épinards cuits que dans les épinards crus20.

– L’effet de la cuisson sur l’activité antiplaquettaire (inhibition de l’agrégation des plaquettes sanguines responsables de la coagulation du sang) de l’oignon et de l’ail
Les oignons et l’ail sont riches en substances antiplaquettaires (SAA) qui peuvent contribuer à la prévention des maladies cardiovasculaires. De façon générale, même si la cuisson affecte l’activité antiplaquettaire contenue dans les légumes, les effets varient selon leur mode de préparation. Il a été démontré que l’activité SAA de ces légumes peut être préservée en grande partie si les bulbes sont intacts et que la durée de la cuisson ne dépasse pas 10 min à une température moyenne. Par contre, si l’on désire conserver l’activité maximale antiplaquettaire des oignons et de l’ail, ces derniers devraient être coupés en petits morceaux et consommés crus21,22.

– L’activité antimicrobienne du jus d’ail frais
Le jus d’ail frais possède une activité antimicrobienne importante23. Cette activité peut s’exercer contre de nombreux microorganismes : Escherichia coli, Staphylococcus aureus, Streptococcus hemolyticus B, S. hemolyticus A, Klebsiella sp., Shigella dysenteriæ et Candida albicans. Candida albicans est une levure responsable de plus de 70 % des infections vaginales et de 60 % des infections urinaires qui touchent un nombre considérable de femmes au cours de leur vie. C’est ce microorganisme qui est le plus sensible à l’activité antimicrobienne du jus d’ail frais, qui doit être consommé rapidement à une concentration de 5 % ou plus et ne doit pas être conservé même à 4 °C.

– La cuisson à la vapeur douce de certains légumes améliore la détoxication de l’organisme
La cuisson à la vapeur douce améliore de façon significative la capacité du chou vert, du kale, des feuilles de moutarde, du brocoli et du poivron vert à se lier aux acides biliaires et à favoriser leur excrétion fécale, comparativement aux valeurs obtenues lorsque ces mêmes légumes sont consommés crus24. Tous ces légumes verts diminueraient le risque de maladies cardiovasculaires et de cancer.

– Effets de la cuisson sur la biodisponibilité du calcium, du fer et du zinc contenus dans les légumineuses
Les fèves blanches contiennent calcium, fer et zinc, mais également des phytates, oxalates, protéines, polyphénols et des sucres complexes qui interagissent avec les minéraux, et qui affectent leur biodisponibilité. Des expériences ont montré que la cuisson augmentait le pourcentage de biodisponibilité du calcium (disponibilité de 18,8 % par rapport à 3,6 % pour le cru), du fer (33,7 % par rapport à 1,7 %) et du zinc (17,2 % par rapport à 2,1 %)25. Cette plus grande disponibilité de ces minéraux serait due à la diminution des substances antinutritives (phytates) lors de la cuisson.

Conclusion
Il est maintenant évident que la diète est un facteur qui influence grandement la santé humaine et on ne peut plus continuer à la considérer comme de la simple nutrition. Une diète idéale, que l’on peut qualifier de nutrigénomique* doit s’appuyer sur les données de l’évolution, de la génétique et de l’épigénétique pour le choix des aliments et leurs modes de préparation26. Une telle alimentation doit permettre de répondre le mieux possible aux exigences de notre physiologie pour le maintien d’une santé équilibrée capable de moduler l’homéostasie (équilibre de fonctionnement) de tout l’organisme et en particulier celle du système immunitaire, des fonctions de désintoxication de l’organisme, ainsi que l’expression appropriée de nos gènes.

Le fait de consommer des aliments cuits et/ou crus ainsi que les techniques utilisées pour préparer les aliments ont une grande influence sur leurs propriétés nutritives et leur biodisponibilité. Comme il n’est pas toujours évident que tel principe de préparation (cru et/ou cuit) est nécessairement idéal pour tirer le maximum de bienfaits de tel aliment, il est indiqué de consommer, lorsque c’est possible, les mêmes aliments sous leur forme crue et cuite. De plus, le choix d’un mode de cuisson qui protège le plus possible les principes actifs des aliments s’impose. La cuisson à la vapeur douce est une méthode recommandée.

Des travaux de recherche soulignent fortement qu’une alimentation exclusivement crue et à long terme n’est pas bien adaptée à notre génétique ; ce qui n’exclut pas que certaines personnes puissent profiter de ce mode d’alimentation, mais il est clair qu’il ne convient pas à tous. La règle d’or en alimentation, il ne faut pas l’oublier, peut se résumer dans cette simple phrase : « Écoute ton corps. »

Il est important de préciser que des quantités adéquates de nutriments provenant d’une alimentation équilibrée qui tient compte des caractéristiques pro-inflammatoires de certains aliments, en fonction des prédispositions génétiques des individus, jouent un rôle essentiel dans le maintien de la santé, la prévention et la mise en rémission de maladies inflammatoires chroniques. On reconnaît également depuis peu l’importance de la consommation d’antioxydants, contenus dans certains de nos aliments, et qui jouent aussi un rôle dans la prévention et le traitement des maladies inflammatoires, incluant les maladies neurodégénératives et le cancer27. Pour conclure, il est urgent de reconnaître que plus nos aliments sont transformés par l’industrie alimentaire, plus on observe une croissance accélérée des maladies inflammatoires chroniques, alors même que la science de l’épigénétique nous apprend que les changements pathologiques ainsi observés peuvent se répercuter chez les générations suivantes.

* La nutrigénomique est la science qui étudie la façon dont les gènes et les nutriments interagissent et qui explique pourquoi les personnes réagissent différemment aux nutriments en fonction de leurs variations génétiques.

Pour en savoir davantage
Des aliments ciblant la santé intestinalewww.jacquelinelagace.net