CMA Journal
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Des normes « désastreuses pour la santé publique », selon un oncologue suédois

Des scientifiques décrient les normes dépassées sur le Wi-Fi : tel est le titre d'un article embarrassant pour Santé Canada paru le 8 mai 2015 dans le Canadian Medical Association Journal (CMAJ). Au terme de trois jours d'audiences, les députés membres du comité permanent de la santé de la Chambre des communes ont renvoyé les fonctionnaires du Ministère refaire leurs devoirs après que des experts internationaux eurent dénoncé le fait qu'ils n'aient pas tenu compte de 140 études récentes indiquant qu'il faudrait resserrer le Code de sécurité 6 (CS6), ligne directrice canadienne limitant l'exposition aux radiofréquences émises par les antennes et les appareils sans fil.

Témoignant devant le comité, le médecin suédois Lennart Hardell a affirmé que les niveaux de radiofréquences permis par le CS6 dans les écoles, les résidences et les lieux de travail sont « désastreux pour la santé publique ». En entrevue avec le CMAJ, le Dr Hardell a expliqué que cette ligne directrice est basée sur une analyse scientifique « réfractaire ou incompétente pour évaluer la littérature scientifique actuelle ». Cet oncologue et épidémiologiste est coauteur d'études récentes démontrant que l'incidence du cancer du cerveau est plus élevée chez les gens qui utilisent un cellulaire fréquemment en l'appliquant contre leur tête pendant plus de 10 ans. Ce risque est jusqu'à cinq fois plus élevé que la moyenne chez les gens qui l'adoptent avant l'âge de 20 ans.

Probablement cancérogènes

Selon un autre témoin du comité permanent de la santé, le Dr Anthony Miller, professeur émérite de médecine à l'Université de Toronto et responsable des études épidémiologiques à l'Institut national du cancer pendant 15 ans, les récentes études du Dr Hardell « appuient les preuves démontrant que les radiofréquences ne sont pas juste possiblement cancérogènes, mais un cancérogène probable pour l'homme. »

En mars dernier, une révision du CS6 réalisée par Santé Canada a conclu qu'aucune nouvelles preuves biologiques pertinentes à ce sujet n'avaient été publiées depuis 2009. Or en 2012, la mise à jour du groupe d'experts indépendants BioInitiative - dont fait partie le Dr Hardell - a recensé quelque 1 800 telles études publiées depuis 2007.

Le JAMC cite d'autres auteurs d'études récentes, dont le physicien Paul Héroux, directeur du programme de santé occupationnelle à la faculté de médecine de l'Université McGill. Celui-ci a découvert que les champs magnétiques domestiques causent des restrictions métaboliques rendant les tumeurs plus malignes. Paul Héroux affirme que Santé Canada ignore délibérément toutes les études qui remettent son CS6 en question. « L'âme de la science, dit-il, est de réviser les mesures de protection de la santé quand les preuves ébranlent la pensée dominante et cette révision ne parvient pas à le faire. »

Enfin, l'article du JAMC souligne que l'auteur principal de la révision de Santé Canada, James McNamee, a cosigné deux articles scientifiques avec des chercheurs financés par l'industrie du sans-fil. « Que le Code de sécurité canadien pour la radiation sans-fil est désuet et baigne dans les conflits d'intérêts ne fait plus de doute, c'est un fait, affirme l'ancien président de Microsoft Canada, Frank Clegg, qui est président de l'organisme Canadiens pour une technologie sécuritaire. Nous espérons que le Comité permanent de la Santé émettra de solides recommendations afin de rectifier ce Code. »

Nous avons demandé à Santé Canada de répondre aux critiques des Drs Miller et Hardell. Le porte-parole du Ministère, Sean Upton, écrit notamment au sujet du CS6 et de sa récente révision : « il se peut que de nombreuses études n'aient pas été citées dans ces documents, mais cela ne signifie pas que Santé Canada ne les a pas examinées pendant la mise au point du Code de sécurité 6. Les scientifiques du Ministère ont établi les limites d'exposition de la nouvelle version du Code de sécurité 6 en tenant compte de toutes les études scientifiques examinées par des pairs (notamment des études portant sur les effets thermiques et non thermiques sur la santé ou sur le plan biologique) et en employant une méthode fondée sur le poids de la preuve qui tient compte de la quantité d'études menées sur un paramètre particulier ainsi que de la qualité de ces études. Il s'agit d'une démarche recommandée par l'OMS pour l'élaboration de normes relatives aux champs électromagnétiques. »

Sean Upton ajoute : « En 2011, le CIRC, qui fait partie de l'Organisation mondiale de la Santé, a classé les champs électromagnétiques de RF comme peut‐être cancérogènes pour l'homme (Groupe 2B), sur la base d'un risque accru de gliome, un type de cancer du cerveau, associé à l'utilisation du téléphone sans fil. Cependant, la vaste majorité de la recherche effectuée à ce jour ne permet pas d'établir un lien entre l'exposition à l'énergie RF et le cancer chez les humains.

« Santé Canada convient avec l'Organisation mondiale de la Santé que de plus amples recherches dans ce domaine sont nécessaires. (Un scientifique de Santé Canada faisait partie du panneau CIRC.) Le 4 octobre 2011, Santé Canada a mis à jour ses conseils aux utilisateurs de téléphones cellulaires sur les façons pratiques de réduire l'exposition à l'énergie RF émise par ces appareils. Ces conseils s'appliquent seulement à l'utilisation de téléphones cellulaires, et non à l'exposition à l'énergie RF émise par les appareils WiFi, car l'intensité et la distribution de l'énergie RF émise par ces derniers et absorbée par l'organisme sont très différentes. »

Pourtant, en 2011, le CIRC a bien précisé que la classification 2B s'appliquait à toutes les sources de radiofréquences et non seulement celles émises par les cellulaires.

Pour en savoir davantage :

Article du Canadian Medical Association Journal : Scientists decry Canada's outdated Wi-Fi safety rules

et notre dossier Champs électromagnétiques : douze façons de se protéger