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Les Portneuvois souhaitent que le ministère de l'Environnement reconnaisse les avantages des toilettes sèches, en les autorisant comme seule installation septique afin de prévenir la pollution des eaux.

Au terme du premier Forum Toilettes sans eau, qui aura lieu le 24 mai à Deschambault-Grondines près de Québec, les acteurs de la région inviteront tous les Québécois préoccupés par la qualité de l'eau à participer à un projet pilote documentant les avantages et inconvénients des différents types de toilettes sèches (combinant ou séparant les selles et l'urine). Pour ces Portneuvois, cette technologie est une des solutions simples, efficaces et abordables à considérer pour éviter divers problèmes environnementaux. « Du point de vue de l'épuration, c'est sûr que les toilettes sèches ne rejettent pas d'eau souillée, il n'y a donc aucun désavantage, que des bénéfices pour l'environnement », a déclaré en entrevue Guillaume Delair, coordonnateur de la gestion des cours d'eau à la MRC de Portneuf.

Terrain rocheux ou argileux ou trop petit

Problème fréquent au Québec, cette MRC compte plusieurs installations septiques désuètes. Or plusieurs bâtiments y sont construits sur un sol rocheux ou argileux, impropre à l'épuration des eaux usées rejetées par une fosse septique, ou sur un terrain trop petit pour accueillir un nouveau champ d'épuration pour remplacer un champ devenu polluant à la fin de sa vie utile, au bout de 25 à 35 ans.

Dans ces cas, le Règlement sur l'évacuation et le traitement des eaux usées des résidences isolées (Q-2, r. 22) exige qu'une installation septique de « traitement secondaire avancé » soit installée. Le hic, c'est qu'un tel système avancé (Écoflo, Bionest, etc.) coûte au bas mot 15 000 $ installation comprise et souvent plus de 25 000 $ en rénovation. Pourtant, la toilette à compostage, qui produit rapidement et sans odeur un compost riche en nutriments à partir des excréments et de l'urine humaine, ne coûte typiquement que 2 000 $ à 3 000 $ en quincaillerie. Utilisée couramment en Europe, cette biotechnologie n'est pas interdite au Québec, mais elle est redondante puisque les systèmes d'épuration classique ou avancé sont toujours obligatoires.

« Le règlement manque de réalisme, dit Pierre Saint-Germain, maire de Saint-Ubalde, village de 1 400 âmes sis dans la MRC de Portneuf. On ne peut pas mettre une installation septique de 25 000 $ ou 30 000 $ sur un vieux chalet qui en vaut 100 000 $ ou 125 000 $. On ne sait même pas combien de temps elle va durer. En Europe, les champs d'épuration sont remis en question. » Ce technicien agricole de formation ajoute qu'avec une toilette à compost, on peut prolonger la durée de vie d'un champ d'épuration car il ne reçoit alors que les eaux grises domestiques. « Il ne faut pas juste voir les bénéfices pour l'industrie. Personne ne fait de lobbying pour le citoyen... »

 Les toilettes à compostage produisent du compost de qualité facilement et sans odeur. www.sun-mar.com
Les toilettes à compostage produisent du compost de qualité facilement et sans odeur. www.sun-mar.com

Biotechnologie québécoise en développement

Le Forum a été organisé par le distillateur d'huiles essentielles Aliksir avec l'aide de la Corporation d'aménagement et de protection de la rivière Sainte-Anne (CAPSA) et d'autres intervenants. Entreprise établie à Deschambault-Grondines, Aliksir est à mettre au point une toilette à compostage qui permettrait de valoriser ses résidus de distillation de conifères ainsi que les déjections humaines pour générer de l'énergie tout en économisant et en protégeant les réserves d'eau potable. « Il y a une économie verte intelligente qui pourrait arriver avec ça », souligne le maire de Saint-Ubalde.

Outre la valorisation de ses résidus industriels, voici ce qui motive Aliksir. Au Québec, chaque habitant consommait 386 litres d'eau par jour en 2009, soit 35 % de plus que la moyenne canadienne. Par ailleurs, 1 % de déjections suffit à contaminer 100 % des effluents domestiques qui rejoignent une fosse septique et les usines d'épuration municipales surchargées. Les villes devront dépenser des milliards de dollars pour agrandir leurs stations de pompage d'eau potable et leurs usines d'épuration qui débordent souvent lors de fortes pluies, contaminant les cours d'eau, notamment avec les médicaments présents dans l'urine. Pour Sandrine Seydoux, agronome chez Aliksir, on ne devrait jamais mélanger les deux précieuses ressources que sont l'eau potable et nos déjections.

« À la maison, 30 % de notre eau potable part directement aux toilettes, rappelle l'agronome. Et chaque mètre cube d'eau coûte environ 1,60 $ à rendre potable et à acheminer, sans compter les coûts d'épuration. Mais tirer la chasse d'eau a des conséquences qui dépassent de loin les considérations économiques. Par ce simple geste, nous contribuons quotidiennement à la pollution et à l'asphyxie des cours d'eau. Ainsi, jour après jour, nous participons aussi à la pollution des nappes phréatiques, à la dégradation des sols et au réchauffement climatique. »

Le plus grand défi à relever quant à la gestion des déjections humaines sans eau n'est pas technique, ni économique, mais bien psychologique, affirme Sandrine Seydoux. « Osons dépasser les tabous associés à nos déjections. Si nous voulons faire du développement vraiment durable, osons considérer la question de l'assainissement des eaux avec objectivité et rigueur. Pourquoi polluer l'environnement en dilapidant les éléments fertilisants et la matière organique de nos déjections? On en a besoin, une fois bien composté, pour maintenir la fertilité de nos sols. »

La présidente d'Aliksir, Lucie Mainguy, se dit optimiste quant à l'évolution des mentalités. « Le bon sens nous oblige à remettre en question la toilette à chasse d'eau, quand on prend conscience des problèmes engendrés par une simple habitude comme tirer la chasse d'eau. »

Et Mme Mainguy et ses collègues en faveur des toilettes sèches ont l'appui des élus de Portneuf. Comme le dit le maire de Saint-Ubalde Pierre Saint-Germain : « Tout a été inventé pour envoyer de l'eau dans le système d'épuration, mais si on n'envoie plus l'eau, on change tout. Aux États-Unis, on offre des crédits de taxes pour les toilettes sèches parce que ça fait économiser sur le traitement des eaux usées. On ne peut plus continuer de dépenser de façon irréfléchie, parce qu'à la fin, c'est le citoyen qui paie. »

Enfin, nous avons posé deux questions au Ministère du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MDDELCC), auxquelles le relationniste Clément Falardeau a répondues. Vous remarquerez qu'il répond surtout à notre première question à la fin de sa deuxième réponse.

Q1: Pourquoi les toilettes à compostage sont-elles interdites comme seule installation septique?

Actuellement, le Règlement sur l’évacuation et le traitement des eaux usées des résidences isolées (Q-2, r. 22) permet l’installation de toilettes à compostage dans les cas suivants : pour desservir un camp de chasse ou de pêche ou pour desservir une résidence isolée existante si un élément épurateur (classique, modifié, puits absorbant, filtre à sable hors-sol, filtre à sable classique, champ de polissage) ou un système de traitement secondaire avancé ou tertiaire ne peuvent être construits. Les eaux ménagères des résidences doivent quant à elles être acheminées vers une fosse septique et un champ d’évacuation ou, si c’est impossible, vers une fosse de rétention des eaux ménagères. Dans le cas d’une résidence qui n’est pas alimentée en eau et sous certaines conditions, on peut aussi acheminer les eaux ménagères dans un puits d’évacuation.

Les toilettes à compostage sont donc permises dans les situations de dernier recours où il est impossible d’implanter les autres solutions offertes par le règlement. D’ailleurs, un allègement de la réglementation a été consenti dans ces cas particuliers pour l’évacuation des eaux ménagères.

Q2 : Le ministre David Heurtel est-il en faveur d'un projet pilote visant à évaluer leurs avantages et inconvénients?

Des travaux de révision du règlement sont amorcés. La possibilité d’élargir le champ d’applicabilité de la toilette à compostage sera évaluée dans le cadre de ces travaux, à la lumière de l’évolution des problématiques et des connaissances. Il n'est pas exclu que le MDDELCC permette la réalisation d'un projet-pilote pour évaluer les avantages et inconvénients d'un élargissement, ainsi que l'encadrement à prévoir. Toutefois, les participants à un tel essai devront être conscients qu’advenant le cas où ils ne souhaiteraient pas continuer l’utilisation des toilettes à compostage après le projet pilote, ils devront s’assurer que leur installation septique puisse recevoir l’ensemble des eaux usées. De même lors de la vente d’une résidence, le nouveau propriétaire devra conserver la toilette à compostage. S’il désire installer des toilettes à chasse d’eau, une nouvelle installation septique devra être installée. En effet, si le propriétaire décidait de brancher la tuyauterie de ses toilettes à chasse d’eau sur le champ d’évacuation des eaux ménagères cela entraînerait un risque élevé de contamination de l’environnement puisque celui-ci n’est pas conçu pour traiter l’ensemble des eaux usées.

Pour en savoir davantage

www.eautarcie.org : site sur la gestion durable de l'eau dans le monde basé sur les recherches scientifiques du chimiste Joseph Országh, professeur et longtemps chef des travaux à l'Université de Mons-Hainaut (1975-2002), en Belgique.

Pour un nouveau paradigme de l'eau